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Bulle, Cyan et Kyoko!
24 septembre 2012

Les 16 et 17 septembre, à quelques heures

Les 16 et 17 septembre, à quelques heures d'intervalle, j'ai perdu mes deux grand-mères...

 

Mamy au regard bleu azur.

IMG_5643

 

« Le port altier, l’âme légère,

Elle porte allègrement le joli nom de Claire.

Son regard est limpide, son sourire charmeur,

Sa présence nous rassure et fait vibrer nos cœurs.

Si j’ajoute à cela un brin de fantaisie,

Cette poésie, Claire, à toi je la dédie »

 

J’adore ce poème.

C’est le plus beau cadeau qu’elle m’ait fait.

Il définit très exactement la manière dont elle me voyait.

 

Quand j’ai su que Mamy était morte, deux chansons se sont imposées à moi. Deux facettes d’elle.

 

La première, c’est celle écrite par sa sœur Elisabeth. Elle me l’a chantée maintes fois. Toute la fragilité de Mamy était dans cette chanson, car il y avait tout l’amour de sa grande sœur.

Mamy a porté toute sa vie la mort d’Elisabeth comme une profonde blessure.

(...)

Elisabeth, c’est aussi le prénom de ma grand-mère paternelle. Nous étions à son chevet lorsque nous avons appris la mort de Mamy. Mamie est morte quelques heures plus tard. Quel pied de nez à la mort elles ont fait là ! Je le prends pour ma part comme une dernière facétie à notre égard, comme un acte d’amour encore une fois. Cela fait 34 ans que je les connais, et la mort de l’une d’entre elles a toujours été l’une de mes angoisses première. En partant ensemble, elles nous assurent qu’elles ne sont pas seules. Elles qui ne manquaient jamais de demander des nouvelles l’une de l’autre, elles vont enfin pouvoir papoter tranquillement. Et cette situation est tellement absurde, incongrue, que c’en est presque anesthésiant.

 

La seconde chanson que j’aurais aimé chanter ici aujourd’hui pour Mamy, c’est une chanson de marins, qu’elle a eu l’impudence et le courage de chanter au Cours Dacier où elle était interne. Elle a eu une sévère retenue, et nous a souvent raconté cet épisode.

Cette chanson, c’est sa force, son effronterie.

C’est aussi la difficulté qu’elle a eu toute sa vie avec son statut de fille, de femme. D’aussi loin que je me souvienne, je l’ai toujours entendue dire qu’elle préférait les garçons. Plus faciles à élever, moins compliqués paraît-il. Dans les faits, elle avait un amour, une fierté et un soin incroyables pour ses petites filles, Marie, Claire et Clémence. Elle nous a chacune emmené tour à tour voir un ballet à Paris pour nos 16 ans.

Mais la provocation de ses propos ont fait (...) de ses petites filles des féministes convaincues.

Dans le même ordre d’idées, je pense qu’une bonne part du maternage que nous avons envers nos enfants vient d’elle.

Mamy était extraordinaire avec les enfants. Toujours prête à jouer, même avec ses arrière-petites-filles lorsque nous l’avons vue fin août ; mais je me souviens d’une fois, où j’étais en larmes face à elle, et elle, bras ballants, sidérée, incapable d’un geste. Mamy ne savait parfois pas du tout consoler. Nous l’avons donc maternée. Puis nos enfants à sa suite.

 

Plusieurs personnes ces derniers jours m’ont demandé si c’était d’elle que je tenais mon plaisir de la couture et du tricot.

Non. Elle détestait !

Mais elle était très fière que j’aime, comme elle était très fière de chacun de ses petits-enfants.

 

Je tiens d’elle mon amour du théâtre et de l’écriture. Des enfants.

Des fabrications de confitures ; je rêve de passer des groseilles à travers un collant, comme je le faisais, enfant, avec elle.

Boire du cacolac dans des petits bars.

Ramasser des châtaignes en forêt.

Proposer aux enfants des jeux qui dégénèrent.

Mettre du Cointreau dans tous les gâteaux.

Manger plein de chocolat.

 

J’ai passé des heures à lire des BD au soleil, allongée sur la tombe de Papy. Maintenant ils seront deux à recevoir ma visite. Je leur lirai des poèmes.

 

Et je compte sur mes grandes-tantes si précieuses pour moi, Dédette, Jacqueline, Tatanette, pour m’accueillir à leur tour.

 

Mamie et Geneviève sa soeur.

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Ma Mamie,

J’ai une chance immense : je t’ai vue quelques heures avant ta mort. J’ai pu te dire au revoir et te raconter des secrets.

Et malgré l’énorme effort que cela devait te coûter, tu as réagi quand je suis arrivée en me présentant.

Bon, tu as aussi réagi quand je t’ai dit que je ne m’en sortais pas avec les côtes « 1/1 » de mon tricot en cours, et là c’était plutôt un geste qui signifiait : « Mais enfin ! Comment tu te débrouilles ?! »

 

J’adorais ta dextérité dans les travaux d’aiguilles.

La fierté sans bornes que tu avais pour tes deux fils, Claude et Daniel, l’amour que tu portais à tes petits enfants, Claire, Vivien, Clémence, Angèle. Chacun de nous était ton préféré ; on a de la chance ! L’émerveillement que te procuraient tes arrière-petites-filles, Garance et Esther.

Je retrouve tes traits en Esther, et ton caractère ultra sociable en Garance. J’ai toujours été épatée par ta facilité de contact avec tout le monde ; je ne pouvais pas faire un trajet en bus avec toi sans que tu ne connaisses tous les passagers avant de descendre.

J’adorais la liberté que tu nous laissais : nous pouvions toucher à tout chez toi, et dieu sait que tu étais douée pour nous dénicher des trésors ! J’adorais ta cachette en libre accès de gâteaux et de bonbons, en bas de ton placard, et tes multiples boîtes qui faisaient que je me retrouvais systématiquement le nez dans les pastilles vichy à l’odeur immonde !

Tu étais toute douleur quand tu parlais de ta maman, morte lorsque tu avais 6 ans.

Tu avais les yeux brillants d’une jeune amoureuse quand tu me racontais mon grand-père charmeur.

A chacun de tes voyages tu me rapportais des merveilles, que mes filles utilisent à leur tour avec bonheur.

Tu m’as offert la paire de chaussures à talons de mes rêves, velours vieux rose, 10 cm, avec une bride ; et ton bibi à voilette.

Et grâce à toi j’ai pu acheter ma première voiture. L’argent était simple pour toi, alors que tu avais dû en manquer plus jeune.

Tu étais généreuse, décidée, solide. Je me souviens que lorsque tu as décidé de vendre ton appartement pour t’installer en foyer logement, je trouvais cela si subit que je t’avais suggéré d’attendre un peu avant de vendre, pour pouvoir revenir en arrière, mais tu savais choisir sereinement.

J’aimais ta force morale et ton indépendance ; tu étais heureuse de nous voir, mais je n’avais pas l’impression de t’abandonner en partant ; tu savais t’entourer de copines avec qui jouer et prendre le thé.

 

Elisabeth… J’aime énormément ton prénom. (...) je l’aurais bien accolé au prénom de l’une de mes filles. L’idée m’a même effleurée d’y joindre le prénom de la grand-mère d’Alex : Reine Elisabeth, la classe !

 

J’avais toujours senti entre mes deux grands-mères une grande attention de l’une envers l’autre, mais aussi une légère rivalité : qui avait le plus d’attention de ses petits-enfants ? Je vous déclare ex-aequo pour la finale, championnes du coup de théâtre. Mais comme je le disais avant-hier, à l’enterrement de Mamy, cela me fait chaud au cœur de vous savoir ensemble pour faire le chemin vers cette nouvelle vie.

Vous aviez en commun une grande force de caractère et des origines bretonnes ; je me suis toujours considérée 1/3 Normande, 1/3 Angevinne, 1/3 Bretonne.

 

Ma Mamie, grâce à toi j’ai connu la fraîcheur de la mer du Havre, si vivifiante. Je reviendrai m’y baigner en pensant à toi lorsque je rendrai visite à ta petite sœur Geneviève que j’aime tant.

 

Et je me disais tout à l’heure que vous deviez bien vous marrer, là où vous êtes, mes deux mamies, car vous avez rejoint Michel, l’oncle d’Alexandre, Reine, sa grand-mère, Tonton Claude, mon grand-oncle, qui étaient de bons vivants et de joyeux lurons.

 

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Commentaires
M
Tu es fière de tes mamies et elles peuvent être fière de toi! Tu es une personne que j'apprécie énormément! J'admire ta joie de vivre, ta sérénité, ta douceur, ta gentillesse, ta générosité et la liste est loin d'être finie!!! <br /> <br /> Ton écrit est magnifique j'ai l'impression maintenant d'avoir un peu connu tes mamies...<br /> <br /> Douces pensées à elles et à ta petite famille
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M
Quelle chance d'avoir connu aussi bien ses grand-mères et de pouvoir leur écrire une telle déclaration d'amour.<br /> <br /> Te lire déclenche de l'émotion et de la sérénité. Tu gardes le meilleur en toi, les beaux souvenirs, ceux à transmettre à tes filles, ceux qui bâtissent l'âme.<br /> <br /> je voudrais passer prendre le thé au coin du feu, voir nos filles jouer ensemble et t'entendre raconter tes souvenirs d'elles :)
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M
Trop d'émotions encore chez moi pour trouver des mots, mais je pense fort à toi Claire, sois-en sûre.<br /> <br /> <br /> <br /> Je t'embrasse très fort, à bientôt
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T
J'ai eu la chair de poule du début à la fin !<br /> <br /> Les larmes sont montées !<br /> <br /> Comme je te comprends ! J'ai perdu mes trois grands-pères la même année (dont deux la même semaine!).<br /> <br /> Que tes mamy reposent en paix.<br /> <br /> Courage à toi et tes proches.
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